Tu ne tra?neras pas. Moi, — je suis le prisonnier.Toi, — le gardien. Nous avons le me ? me destin.Nous avons la me ? me feuille de routePour ce territoire vide, vide.Moi, — je suis d’une humeur tranquille!Mes yeux sont transparents!Gardien, laisse-moi allerJusqu’a` ce pin.8Sur le marcheґ, les gens criaient,La fumeґe sortait de la boulangerieJ’ai le souvenir de la bouche vermeilleD’une chanteuse de rue au visage allongeґ.Dans un cha ? le sombre — avec des fleurs —,— Pour e ? tre honoreґe — etToi, les yeux baisseґs, dans la fouleDes croyants, devant la catheґdrale.Prie pour moi, beauteґTriste et diabolique,On eґle`vera pour toi des eґchafaudages,Comme pour la vierge du village.9Vers Anne, a` la bouche d’or,De toute la Russie, son verbe, etSon expiation, — toi, vent, porteMa voix, et ce lourd soupir.Parle, horizon en feu, parleDe ces yeux, noirs de douleur,Et, doucement, salue, jusqu’a` terre,Parmi les champs doreґs.Raconte, eau verte des ruisseaux,Dans les bois, raconte cette nuit-la`Ou` j’ai vu en toi, et quel visageJ’ai vu, de mes propres yeux.Toi, retrouveґ,Dans la hauteur, avec le tonnerre,Toi, l’anonyme,Porte mon amourA Anne, bouche d’or de toutes les Russies.11Tu me caches le soleil, — la`-haut,Toutes les eґtoiles dans le creux de ta main!Et si, — portes grandes-ouvertes —Comme le vent — j’entrais chez toi!Et puis balbutier et rougir,Baisser les yeux tout a` fait,Et sangloter pour m’apaiser,Comme un enfant pardonneґ.12Les deux bras me sont donneґs — pour les tendre a` tous, —Mais ils me fuient. Les le`vres — pour donner des noms,Les yeux — pour ne pas voir, les sourcils tout au-dessus —Pour s’eґtonner tendrement de l’amour et de l’absence d’amour —Plus tendrement encore. La cloche, la`-bas, plus lourdeQue celle du Kremlin, sonne, et sonne dans ma poitrine, — ainsi,Qui sait? — Je ne sais pas, — peut-e ? tre, — il se peut, — ainsi,Je ne m’inviterai pas longtemps sur la terre russe!Un soleil blanc et de tre`s, tre`s bas nuages,Le long des potagers — derrie`re le mur blanc —,Un cimetie`re. Et sur le sable des rangeґes d’eґpouvantailsDe paille, sous des linteaux a` hauteur d’homme.Pencheґe par-dessus les pieux de la palissade,Je vois des routes, des arbres, des soldats en deґsordre.Une vieille paysanne, pre`s d’un portillon ma ? che,Ma ? che une tranche de pain noir avec du gros sel...Pourquoi ce courroux contre ces maisons grises, —Seigneur! — Et pourquoi trouer tant de poitrines?Le train passe et hurle, et hurlent les soldats,Et le chemin se couvre de poussie`re, et il s’eґloigne...—Pluto ? t mourir! Pluto ? t ne jamais e ? tre neґe,Que, la`, pour ce pitoyable cri plaintif de forc ? atVers les belles aux sourcils noirs. — Comme ils chantentAujourd’hui les soldats! O Seigneur mon Dieu!Tu es ma rivale, et je viendrai chez toi,Un jour quelconque, une certaine nuit claire,Quand les grenouilles hurleront dans l’eґtang,Et que les femmes seront folles de pitieґ.Je m’attendrirai sur le palpitementDe tes paupie`res et sur tes cils, jaloux,Je te dirai: je n’existe pas vraiment,