c’est sur cet argent que je prierai Anna de te rembourser les cinquante roubles que tu m’avais prêtés.

Je plains bien cette pauvre Anna d’être obligée de prolonger outre mesure sa villégiature de Спасское* et pense avec une satisfaction sympathique au confort dont vous êtes entourées dans la maison Miloutine, et qui vous est si nécessaire à toutes les deux, ta tante et toi. En Russie les choses, qui ont rapport au climat, sont arrangées de telle sorte que l’hiver apparaît toujours comme un port qui accueille, pour les abriter, tous les naufragés de l’été… Aussi, quand on y est, ce n’est pas sans une appréhension pénible que l’on pense à tout ceux qui sont encore en mer, et qu’on voudrait déjà voir rentrés…

En me parlant de Jean, tu ne me dis pas, s’il a été mis en possession de la lettre que je lui avais adressée par ton intermédiaire, et dont le contenu n’était pas sans quelque importance. Aussi suis-je étonné qu’il n’ait pas répondu jusqu’à présent à cette lettre…

Ici, comme chez vous, je suppose, le temps est encore assez beau. La belle saison s’éloigne à reculons et comme n’osant pas nous tourner décidément le dos — comme cela se pratiquait à de certaines Cours autrefois, comme à la Cour de Sardaigne, p<ar> ex<emple>, où je me vois encore me retirant à reculons devant la Reine d’alors, jusqu’à ce que, parvenu jusqu’à la moitié de la salle qui était très spacieuse, j’eusse perdu toute conviction, et que pour la ressaisir je me fusse décidé à tourner bravement le dos à la Reine*.

La ville est encore assez déserte. — Il y a du monde à Tsarskoïé où j’ai été l’autre jour. La pauvre Mad<ame> Karamzine s’y mourait. Elle doit être morte à l’heure qu’il est…* Ce n’aura pas été sans peine…

J’ai été tout ce temps-ci occupé conjointement avec le Brochet à nettoyer ce que maman appelle, avec quelque exagération, les écuries d’Augias…* En ce moment c’est presqu’aussi propre que la rue où il faudrait se résigner à loger, si on désertait la susdite écurie.

Bonjour, ma fille chérie. Embrasse ta tante, et que Dieu v<ou>s garde toutes les deux…

Перевод

Петербург. Вторник. 7 сентября

Нет, дочь моя, ты несправедливо упрекаешь меня в эпистолярной лености, ибо я твердо решил написать тебе сегодня, — даже не получив еще твоего последнего письма, прибывшего вчера… Благодарю тебя за него, а также за приложенную к нему записку, которую я не замедлю использовать, так что скоро ты получишь на свой адрес ценный пакет с доверенностью для Милютина* и с облигациями для Анны. Поскольку эти облигации на пятьсот рублей перекрывают собою сумму, которую попросила у меня Анна, я поручу ей вернуть тебе из этих денег пятьдесят рублей, что ты мне ссудила.

Мне очень жаль бедную Анну, чье дачное существование в Спасском* в силу обстоятельств чересчур затягивается, и я с душевным удовлетворением думаю о комфорте, которым вы окружены в доме Милютина и который столь необходим вам обеим, тебе и твоей тетушке. В России вся сторона быта, связанная с климатом, устроена таким образом, что зима всегда предстает некой гаванью, которая принимает и укрывает всех, кого измотало лето… Поэтому-то, находясь уже в гавани, с мучительной тревогой думаешь о тех, кто еще в море, и ждешь не дождешься, чтобы они вернулись…

Говоря о Ване, ты ничего не сообщаешь о том, получил ли он письмо, которое я послал ему на твой адрес и в котором содержалось кое-что важное. Меня удивляет, почему он до сих пор на него не ответил…

Здесь, как наверное и у вас, еще держится довольно хорошая погода. Красное лето удаляется раком, словно не осмеливаясь решительно повернуться к нам спиной, — как это было заведено прежде при некоторых дворах, например, при дворе Сардинии, где я, помнится, пятился задом от тогдашней королевы до тех пор, пока, допятившись до середины громадной залы, до такой степени не спутался, что, дабы определиться в пространстве, дерзнул повернуться к королеве спиной*.

В городе еще довольно безлюдно. — В Царском, где я давеча побывал, кое-кто есть. Бедная госпожа Карамзина была в агонии. Сейчас она, должно быть, уже отошла…* Отмучилась…

Все это время мы вместе с Щукой занимались чисткой того, что мама́, с некоторой долей преувеличения, называет Авгиевыми конюшнями…* Теперь здесь почти так же просторно, как на улице, где нам пришлось бы обретаться, если бы мы съехали с вышеназванной конюшни.

Прощай, моя милая дочь. Обними за меня тетушку, и да хранит вас обеих Господь…

Тютчевой Е. Ф., 22 сентября 1871*

210. Е. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 22 сентября 1871 г. Петербург

Pétersbourg. Ce 22 sept<em>bre

Par suite de la communication qui t’aura été faite par Anna de ma dernière lettre, je t’envoie maintenant, ma bonne et chère Kitty, celle que je viens de recevoir de Jean à propos des bruits qui m’étaient parvenus au sujet de Mamajeff et de sa gestion*. La lettre de Jean, comme tu verras, est des plus rassurantes. Or, comme je ne demande qu’à être rassuré et que, d’ailleurs, j’ai une grande sympathie pour le dit personnage, j’accepte de confiance tous les témoignages en sa faveur et désire qu’il ne soit plus question de toute cette affaire, ni de près, ni de loin.

Encore un détail d’affaire, et j’ai fini. Anna t’a-t-elle remis la procuration que j’ai envoyée à l’adresse de Miloutine, et cela suffit-il pour se faire délivrer le document réclamé? Dès qu’il sera obtenu, je vous prierai, ma fille chérie, de l’envoyer sans retard à Ovstoug.

Hier, ma fille, j’ai beaucoup et tendrement parlé de vous avec Победоносцев* qui te porte dans son cœur et qui se plaint de ton silence. Il se proposait de t’écrire. Je le vois assez souvent, ainsi que sa femme qui est très gentille et intelligente. — Ici, d’ailleurs, la société ne bat que d’une aile et la saison fait de même. C’est un interrègne dans tous les sens. Il est incroyable, combien la Russie, quand le Souverain est en voyage, ressemble à une antichambre de domestiques dont le maître s’en est allé… Dans le vide, que laisse cette Auguste absence, il n’y a d’ordinaire que beaucoup de pluie et quelques commérages.

En fait de politique étrang<ère>, dont si peu de personnes se préoccupent ici, le fait le plus saillant est en ce moment le mouvement catholique en Allemagne* qui agite et passionne beaucoup, mais qui n’aboutira pas ou qui n’aboutira qu’à augmenter le désaccord et la confusion. Il y a ainsi dans le monde deux ou trois questions qui finiront par avorter, faute du concours obligé que nous aurions pu et dû leur prêter et que nous leur retirons, par suite de notre inertie morale et intellectuelle, de notre torpeur vraiment méprisable. Or il serait curieux de savoir, quel sera le compte qui, dans un avenir peut-être assez prochain, nous sera demandé de toutes ces défaillances, de tous ces avortements occasionnés par nous? — Certes, la parabole de l’esclave infidèle, allant enfouir son denier, semble avoir été faite tout exprès pour nous*.

Bonjour, ma fille chérie. Quelles nouvelles de Daria, et où est-elle? Dieu v<ou>s garde.

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